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Dans le blog de M. Pierre-Yves Hénin, j'ai découvert avec plaisir, et avec beaucoup d'intérêt, divers articles consacrés à l'aviation française de 1940, qui est mon dada, pour ne pas dire presque mon obsession. Ayant été mis en cause même si ce n'est pas très méchant, je me dois de rétablir la vérité. L'article consacré au canon français pour avions HS 404 commence ainsi (je copie le 1er paragraphe) :

" Dans ses réflexions annexées à l’ouvrage de Paul Martin, « Invisibles vainqueurs », Yves Michelet, représentant le plus représentatif d’une histoire apologétique de la campagne de France, met en avant la supériorité que le canon Hispano de 20 mm aurait apportée à l’aviation française tant à l’égard des canons Oerlikon armant les avions allemands que des 8 mitrailleuses légères des chasseurs anglais[1]. Pourtant, les déficiences dans l’armement des avions figurent en bonne place parmi les doléances des équipages, comme dans une analyse objective des facteurs ayant affecté l’efficacité de l’Armée de l’Air. "

Ma réponse, reproduite ci-dessous, a été publiée au-dessous de l'article de M. Hénin qui commence par le paragraphe reproduit ici, en tête du présent texte. Je l'ai légèrement complétée, ajoutant des indications que je crois utiles ou intéressantes, mais sans changer son sens général.

Bien que très honoré d'être qualifié de " représentant le plus représentatif ", ce qui frise l'apologie échevelée, je ne peux que contester ces propos. Il est exact que le formidable canon français HS 404 avait encore quelques défauts de jeunesse en 1940 mais, dans l'ensemble, c'était une arme excellente, redoutable (pour l'ennemi, pas pour ses utilisateurs) et qui a valu aux avions teutons une bonne partie des pertes terribles qu'ils ont subies. Pertes terribles? Mais oui, parfaitement. En 38 jours sur 46 de Campagne de France (mai-juin 1940), les 8 derniers jours ayant été très calmes, les Allemands ont perdu PLUS d'avions qu'en 83 jours de Bataille d'Angleterre (10 juillet-30 septembre). Certes, les divers pays alliés (Pays-Bas, Belgique et Angleterre) y ont contribué, surtout les Pays-Bas, qui ont massacré environ 200 transports Junkers 52 et aussi d'autres avions teutons, de même que la DCA de tous ces pays et de la France, mais le principal facteur expliquant les terribles pertes de la Luftwaffe, c'est sans aucun doute la Chasse française. Vous ne trouverez jamais une autre explication qui tienne debout (on peut oublier les chiffres triomphants, et imaginaires, de la Chasse anglaise très peu nombreuse, et qui a fait - héroïquement - ce qu'elle a pu tout en subissant, elle aussi, de très lourdes pertes ). Les chasseurs français les plus efficaces au combat furent les Curtiss H-75 (14  % des chasseurs français utilisés au combat) armés de seulement 4 ou 6 mitrailleuses légères de 7,5 mm, presque tous les autres chasseurs français (soit environ 80 % de la Chasse, les Bloch 151, peu nombreux, n’ayant pas de canons) possédant un ou deux redoutables canons HS 9 et surtout HS 404. Les résultats au combat SEMBLENT donc confirmer l'inefficacité de ce canon, due à quelques défauts mentionnés par M. Hénin ou par les étudiants "rabatteurs" qui ont écrit pour lui sous son contrôle mais sans connaître la question. Toutefois, le combat aérien est un sujet très complexe et il faut se garder de tout juger en se fondant uniquement sur quelques chiffres portant sur les pilotes de chasse, leurs victoires, les avions, leurs armes, etc. Le chasseur Curtiss H-75, bien qu'un peu faible côté moteur et vitesse (environ 500 km/h, à comparer à 560-570 pour le Messerschmitt 109 et le "Spitfire", à 520 pour le "Hurricane" et 530-540 pour le Dewoitine 520) et carrément faible pour l'armement, semble bien avoir constitué un ENSEMBLE très compétitif par sa conception très moderne, sa maniabilité, ses excellentes commandes, etc. À cela s'ajoute son emploi par quatre groupes de chasse qui semblent bien avoir été une partie de l'élite de la Chasse, les GC I/4 et II/4, et aussi le II/5 et surtout le GC I/5 ; seul le I/4 se situe dans la bonne moyenne pour les victoires, très loin derrière le I/5 du Cdt Murtin et des capitaine Accart et Lt. Dorance, deux chefs d'escadrilles hors pair et deux très grands as. La vitesse maximale d'un avion, notamment un chasseur, est certes un élément important mais c'est loin d'être le seul. De nombreux autres éléments, y compris les qualités des pilotes (très important), comptent aussi beaucoup. 

La cause semble entendue : les unités de Curtiss ont obtenu des résultats éblouissants - c'est exact - avec leurs petites mitrailleuses légères de 7,5 et sans canon. Je l'ai déjà dit, c'est loin d'être aussi simple, aussi évident. Ces groupes de Curtiss ont reçu ces avions largement à temps pour bien s'entraîner à leur emploi (c'est un élément important car chaque chasseur avait, et a, même en 2020 et au-delà, des qualités, des défauts et des particularités propres) et ces avions étaient très modernes et bien construits : c'était du solide. L'état-major les a donc stationnés dans les secteurs où la probabilité de combat avec les Allemands était élevée, et leur a souvent attribué de nombreuses missions correspondantes, avec de nombreuses possibilités de victoires, notamment sur des bombardiers (les seuls avions ennemis vraiment dangereux pour la France et pour son armée en général), et aussi de pertes dues à la chasse ennemie protégeant ces bombardiers, ou en chasse libre, cherchant les avions ennemis, surtout français. Cet élément - secteur de stationnement et choix des missions ordonnées - explique déjà en grande partie la supériorité des Curtiss en victoires, sans canons. Il s'y ajoute le fait que, selon toute vraisemblance, ces quatre groupes de chasse avaient des pilotes particulièrement doués et très bien entraînés au combat et au tir (les meilleurs tireurs d'avant la guerre furent les plus grands as de la campagne de France). Le grand Accart, que j'appelle "Accart le preux" (et c'est plus que justifié) dans une autre rubrique de ce blog, m'a parlé d'un ou deux pilotes qu'on lui avait envoyés pour son escadrille, mais qu'il a renvoyés s'entraîner car ils n'avaient pas le niveau qu'il exigeait. L'inverse s'est produit aussi, par exemple avec le sergent-chef François Morel, membre de la 1re escadrille du GC I/5 commandée par Accart, très doué, qui devint un grand as en 8 jours de combat (tué le 18 mai 1940 d'une balle dans la tête par un mitrailleur allemand - c'était imparable). Ce grand as, très jeune, est mort au combat, comme beaucoup d'autres pilotes de chasse français, en protégeant les très nombreux fantassins qui débarquaient de trains les ayant transportés jusqu'à la gare de Fismes.  Ces soldats ont-ils prétendu comme la plupart des membres de l'Armée de terre, après leur déroute, "n'avoir jamais vu un seul avion français" ? L'histoire de ce jeune pilote n'est qu'un exemple parmi beaucoup d'autres (innombrables, à vrai dire). Son chef, le capitaine Accart, était un grand guerrier et réellement un pilote de chasse hors pair, d'un courage à toute épreuve, mais il ne s'est jamais vraiment remis de cette perte cruelle, survenue si tôt. Il a visité la tombe de François Morel chaque année pendant tout le reste de sa vie, soit une cinquantaine d'années (sauf, évidemment, impossibilité de s'y rendre durant la deuxième moitié de la période d'occupation de la France par l'Allemagne car, s'étant évadé malgré ses blessures gravissimes tout juste guéries, il se trouvait alors en Algérie puis en Angleterre, ayant repris le combat à la tête du groupe de chasse "Berry" équipé de "Spitfire" IX.). 

Nota : « l’ouvrage de Paul Martin » est l’ouvrage de Paul Martin ET Yves Michelet, chacun ayant contribué, mais dans des parties séparées de l'ouvrage, pour environ 50 % aux divers textes etc., et YM ayant fourni les 2/3 des 220 photos NB (les plus intéressantes) et toutes les illustrations en couleurs (au nombre de 27) ainsi que diverses explications nécessaires à une bonne compréhension du récit chronologique de Paul Martin et d'innombrables corrections dans les domaines de l'orthographe et du style. Le titre est visiblement d’YM.

Les chefs de toute unité militaire, y compris dans l'infanterie et la Marine, ont une très grande importance pour la valeur de leurs unités au combat. Or, par exemple, le Commandant Murtin du GC I/5 et ses deux chefs d'escadrilles, Accart et Dorance - surtout Accart - étaient des chefs remarquables, qui avaient parfaitement entraîné tous leurs pilotes et qui les commandaient très bien au combat. L'importance du chef se voit très clairement dans les résultats de la 1re escadrille du I/5 (Accart), qui a obtenu plus de 70 victoires (72 ou 73), sûres ou probables, sur les 111 des deux escadrilles. Tous les autres groupes de chasse, souvent très bons aussi, sont à au moins 40 victoires derrière le GC I/5, voire nettement plus bas. L'influence du capitaine Accart suffit, à elle seule, à expliquer l'énorme supériorité de tout le GC I/5 (dont une escadrille était commandée par Accart, l'autre par Dorance) sur les 22 autres groupes de chasse. La compétence du commandant Murtin y a probablement contribué aussi.

Mettez les meilleurs chasseurs du monde dans un secteur où l'ennemi ne se montre presque jamais, et ces chasseurs n'auront que quelques maigres victoires.

En résumé, les grands succès des trois premiers groupes de Curtiss ne sont certainement pas dus à leurs faibles mitrailleuses, souvent inefficaces (et leurs pilotes, spécialement le grand Accart, s'en sont beaucoup plaints) mais à la très bonne qualité d'ensemble du Curtiss malgré une vitesse insuffisante, à l'excellente qualité des pilotes et à des chefs remarquables dans l'ensemble. Tout le monde ne peut pas être un Accart (presque un génie). Ajoutez les secteurs où ils étaient stationnés, avec plus ou moins de présence d'avions ennemis.

Je ne peux entrer ici dans les détails de ce sujet fort complexe, mais je confirme que le canon français de 20 mm HS 404 était de très loin le meilleur du monde en 1939 et en 1940. C'est pourquoi la RAF l'a choisi, des années avant la guerre, après avoir étudié et essayé toutes les armes disponibles sur le marché mondial, canons ou mitrailleuses lourdes. La RAF n'a jamais regretté ni annulé ce choix, bien au contraire : elle a armé ses avions de canons français HS 404, dits "Hispano" en Angleterre, tant qu'elle a pu, avec toujours au moins deux canons (un dans chaque aile), quatre chaque fois que c'était possible, comme sur le Westland "Whirlwind", le Hawker "Typhoon", le célébrissime "Mosquito" (sauf la version bombardier), certaine(s) version(s) du Spitfire malgré le manque de place dans les ailes (certains "Spits" avaient deux canons dans chaque aile, soit quatre en tout), le fameux "Tempest", piloté au combat, notamment, par le héros et grand as français Pierre Clostermann, etc. Cet enthousiasme a duré encore longtemps après la guerre, tous les avions de combat de la RAF (sauf les bombardiers jusqu'en 1945) étant armés de canons dits "Hispano" jusque dans les années 1950. Cela n'a pris fin qu'avec l'apparition du canon ADEN  de 30 mm sur le fameux Hawker "Hunter" ("Chasseur"), dans les années 1960, plus de vingt ans après 1940…  

Le général (4 étoiles) Henri Hugo était capitaine et il commandait la 4e escadrille de Morane 406 (GC II/7) de la 7e escadre de chasse en 1939-40. Il  a écrit : "Le canon (…) était d'un fonctionnement sûr (…)". (Revue "Icare", n° 54 : La Chasse, page 89.) Je crois que l'opinion de ce grand chef de la Chasse et de cet as suffirait à clore le débat. Il déplorait le fait que ce canon n'eût "que" 60 obus à tirer. Le très médiocre canon allemand MG FF en avait, lui, ...60 aussi. Ce n'était pas le fait du hasard : que les canons français et allemands aient eu 60 cartouches à tirer résultait certainement des caractéristiques géométriques (encombrement, etc.) de ces deux armes et de leurs munitions pour un calibre donné (20 mm). L'alimentation du canon français par une bande de 120 cartouches remplaçant l'encombrant chargeur cylindrique existait déjà mais la défaite alliée empêcha de l'utiliser à partir de juin 1940. C'est la RAF qui a en profité à partir de 1941 ; elle avait reçu de France tous les documents et les plans correspondants ainsi qu'un exemplaire du système d'alimentation par bande de cartouches. Elle était si satisfaite de cette arme qu'elle l'a produite dans pas moins de SIX usines britanniques (6).

Le capitaine Accart, un chef, un as et un homme sublime, a publié dès 1941 son passionnant petit livre "Chasseurs du ciel", dans lequel il raconte surtout ses combats et aussi ceux de son escadrille. Dans ce livre, il disait ouvertement qu’il enviait les pilotes de Morane 406 (c'est le monde à l'envers), qui avaient un canon, contrairement à lui sur son "Curtiss", même armé de six mitrailleuses légères et faiblardes de 7,5 mm (et non plus de quatre comme en septembre 1939 - une augmentation de plus de 50 % car les mitrailleuses d'ailes avaient une cadence de tir (1 200 coups/minute, soit 20 par seconde) légèrement supérieure à celle des deux mitrailleuses de capot, qui tiraient " à travers l'hélice ", ou plutôt à travers le cercle balayé par les trois pales de l'hélice, qu'un mécanisme de synchronisation permettait d'éviter, arrêtant le tir chaque fois qu'une pale se trouvait devant la bouche d'une des deux mitrailleuses de capot.

Hugo et Accart furent plus tard, tous deux, des généraux à quatre étoiles. Tous deux auraient certainement reçu la 5e étoile mais ils ont démissionné tous les deux - sans se concerter - pour des raisons (différentes) qui se situaient à un très haut niveau de l'État. Je mentionne leur grade pour bien montrer que ces deux hommes remarquables, deux grands as (Accart encore plus mais Hugo n'avait aucune raison de rougir non plus ), étaient de très grands professionnels et qu'ils savaient de quoi ils parlaient.

Hugo a eu droit à un autre canon HS 404 dès le 1er juin 1940 (environ) car le GC II/7 a remplacé ses Morane 406 par des Dewoitine 520 ; ces deux chasseurs avaient un canon logé sur le bloc-moteur et tirant à travers la casserole (capotage du moyeu) de l'hélice, donc pas à travers le cercle de l'hélice. Plus tard, dans l'Armée de l'Air reconstituée, il a beaucoup volé et combattu sur Spitfire IX, avec un canon dans chaque aile (le même canon HS 404, légèrement modifié, dit « Hispano » en Angleterre).

Accart a, lui aussi, volé sur D.520 en 1943-44, mais sans combat, en Afrique du Nord après s'être évadé de France, en prenant de gros risques pour sa santé et sa vie, en traversant les Pyrénées (grand blessé plus ou moins rétabli) avec ensuite une étape dans les prisons de l'infâme Franco. Il a créé et commandé le nouveau groupe de chasse "Berry", basé en Angleterre et volant sur "Spitfire" IX lui aussi. Idem pour l'armement. Je donne ces précisions pour montrer qu'Accart et Hugo savaient de quoi ils parlaient… Ce n'est pas le cas de tout le monde.

Le grand spécialiste britannique Alfred Price a publié, sur la Chasse en général (dans tous les pays importants y compris l'URSS), un livre petit mais vraiment remarquable, et je le recommande chaleureusement : "World War II Fighter Conflict". En aviation, fighter signifie « chasseur » et non « combattant », comme diverses chaînes de TV veulent nous le faire croire et même l’imposer. Que ces débiles mentaux apprennent le français (et aussi l'anglais) ! On trouve, dans ce livre d’Alfred Price, toutes sortes de renseignements, très concentrés, sur les principaux sujets relatifs à la Chasse : avions, moteurs, performances, armement, tactiques, etc. Pour l'armement, il raconte pourquoi la RAF a choisi en 1936 le canon français HS 404 après avoir étudié toutes les armes pouvant entrer en ligne de compte. Elle voulait notamment un canon tirant des obus PERFORANTS avec efficacité. Le HS 404 était le meilleur du monde… Les obus perforants étaient, et sont encore, très utiles contre les blindages, les blocs-moteurs qu’ils détruisent, les éléments vitaux de l’avion ennemi comme ses longerons d’ailes, etc.

La fusée des obus était trop sensible et ils explosaient donc, souvent, non pas à l'intérieur des avions ennemis mais à la surface du revêtement métallique, causant tout de même, très souvent, de graves dégâts car l'explosion se produisait pour moitié vers l'intérieur de l'avion ennemi touché - et touché, en général, de plusieurs obus plus les balles de mitrailleuses. Il existe des photos d'avions allemands touchés par des obus d'un chasseur français, et les trous ainsi produits dans le fuselage ou ailleurs sont vraiment impressionnants : au moins aussi gros que mon poing, qui n'est ni petit ni mignon.

Je suis d'avis que les munitions ne font pas partie du canon même si elles en sont inséparables. De plus, pour corriger le défaut mentionné, il suffisait de modifier légèrement les fusées des obus explosifs. Cela ne concerne pas les obus perforants, qui étaient faits de métal plein et n'explosaient pas mais détruisaient entre autres, grâce à leur formidable énergie cinétique et à leur masse importante, tout moteur qu'ils frappaient, et perçaient les blindages éventuels protégeant les réservoirs d'essence et les pilotes (de bombardiers - en mai-juin 1940).

En conclusion, tout produit hautement technique pose - presque toujours - divers problèmes au début de son utilisation. Les petits défauts du canon HS 404 pouvaient être corrigés facilement et ils le furent, pas en France à cause de l'occupation, mais en Angleterre dès 1941 et plus tard. Même le formidable chasseur P-51 "Mustang" faillit être abandonné au début avant de devenir le meilleur chasseur allié grâce à son nouveau moteur Rolls-Royce "Merlin" (1944) et à d'autres modifications. C'est surtout cet avion qui a brisé la Luftwaffe en 1944. Le célèbre chasseur à réaction North American F-100 D "Super Sabre" (à l'entrée d'air frontale aplatie, très caractéristique), successeur du F-86 "Sabre" très employé dans la guerre de Corée, n'a pu être utilisé qu'après l'élimination de divers défauts graves, après quoi il a donné satisfaction, y compris comme bombardier nucléaire tactique. Moralité : les défauts de jeunesse d’un avion ou de son armement se corrigent.

Complément : les combats, les victoires

 

YM le 1-1-2019 : (Extrait d'une discussion sur Internet)

Bonjour à tous et bonnissime année (je m'efforce de suivre la mode des ...issime).

 

La discussion détaillée, qui précède, sur les victoires de la Chasse française en mai-juin 1940 (du 10 mai au 24 juin : Campagne de France), fait plaisir par le nombre d'interventions et par la bonne connaissance du sujet que montrent presque tous les participants. Toutefois, ce sujet est extrêmement complexe, voire inextricable, pour diverses raisons dont certaines sont purement françaises, comme les victoires "en collaboration" (attribuées à plus d'un pilote de chasse). L'expérience, répétée maintes fois, montre que presque tous ceux qui s'expriment ont de bonnes connaissances mais que ces connaissances sont imparfaites, incomplètes, mal comprises, etc., et c’est normal. Ce n'est donc pas un reproche : il est difficile de faire mieux sans être presque un véritable professionnel.

Entre autres, pour ne pas dire de bêtises ou le moins possible, je crois nécessaire de posséder les livres, parfois les revues ou magazines, les plus importants, complétés, quand c’est nécessaire, par des publications plus récentes, et qui donnent les renseignements fondamentaux et permettent de faire des contrôles croisés (il faut se méfier des auteurs qui copient les uns sur les autres, semblant « confirmer » leurs erreurs). Je pense surtout, ici, à plusieurs excellents livres Docavia, notamment ceux écrits par Danel, Cuny et Gérard Beauchamp, et à plusieurs monographies, tout aussi excellentes, publiées par Lela-Presse et "avions" sur les chasseurs Bloch 152 (un livre magistral de Serge Joanne), MS 406, Curtiss H-75, les hors-séries (HS) du magazine "avions" sur les as et sur certaines unités (GC I/3 sur Dewoitine 520, GC I/4 sur Curtiss, etc.), et autres ouvrages. Les livres les plus anciens ne sont pas nécessairement inutiles, spécialement les deux remarquables livres du « Capitaine Accart » parus en 1941 et 42 ainsi que « Le ciel n’était pas vide - 1940 », par le général d’Astier de la Vigerie (chef suprême de la Chasse française en 1940), un classique très instructif et très utile. Les publications étrangères du même genre apportent très souvent des informations passionnantes ou capitales, ou les deux, souvent inconnues en France : ceux qui comprennent bien les textes anglais ET allemands sont inévitablement mieux renseignés que les autres. Cependant, gare aux connaissances linguistiques insuffisantes et aux malentendus graves. Il est triste de voir de soi-disant "historiens" français donner certains détails qu'ils n'ont pu trouver que dans des textes anglais (mais ils ne le disent pas) souvent anciens, comme, pour les chars allemands, "Panzer Mark III" ou autres. Dans ce domaine, "Mark" n'existe qu'en anglais, jamais en allemand, où l'on dit simplement Panzer I, Panzer II, Panzer III… (prononcer "Panne-tsœur", comme la sœur d'un frère). Certains "grand historiens" fort admirés (comme Patrick Facon) utilisent, pour des conclusions capitales, les tableaux statistiques, par exemple, d'un véritable et solide historien américain (Williamson Murray dans son excellent livre "Luftwaffe - Strategy for Defeat 1935-1945"), mais sans rien avoir compris à la base suivant laquelle ces tableaux ont été établis, et leurs conclusions en deviennent encore plus fausses, naturellement au détriment de l'Armée de l'Air, comme toujours, quand ils ne reproduisent pas, presque mot pour mot, mais sans le dire, ce qu’Yves Michelet a écrit à la fin du livre « Invisibles vainqueurs ». Du plagiat encore et toujours !

Faute de temps, je ne peux m'étendre davantage là-dessus cette fois, mais nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler. Je ne donnerai, aujourd'hui, que quelques points particuliers pour montrer quelles erreurs peuvent être commises et le sont réellement :

Les fameuses victoires en collaboration, donc attribuées, pour un seul avion ennemi abattu, à plus d'un pilote de chasse (un seul pilote était tout de même un cas assez fréquent mais minoritaire : environ 40 % des cas). La plupart des gens croient naïvement qu’on additionne toutes les victoires ainsi attribuées, par exemple à six pilotes pour un avion ennemi abattu, ce qui gonfle le total général de la Chasse au-delà de toute limite. Et de se moquer, et de se gausser (l’un des principaux moqueurs est CJE, alias Ehrengardt, un individu aussi incompétent qu'il était actif et agressif). Tout cela ne tient évidemment pas debout : dans les statistiques d’ensemble de la Chasse française, ne sont pris en compte que les nombres d’avions effectivement abattus, quel que soit le nombre de pilotes participants. Ces remarques méprisantes et sardoniques sont sans fondement. Naturellement, quelques erreurs sont toujours possibles (surtout chez les Allemands et encore plus chez les Britanniques), mais pas cette erreur-là. Quant aux victoires obtenues par deux ou trois unités ensemble, il est évident qu’il est tenu compte de ces circonstances et que cela ne gonfle pas non plus les totaux ; il ne s’agit, de toute façon, que d’une vingtaine de cas sur environ 830 (c'est le nombre approximatif que j'ai établi).

Ceux qui veulent absolument attribuer la plus grande partie des victoires, et de loin, aux seuls Britanniques (RAF), seraient bien inspirés de réfléchir au taux d’exagération (overclaiming) fabuleux des pilotes de chasse de la RAF, qui est de cinq, entre autres selon le grand spécialiste britannique John Foreman et selon… moi. Il est intéressant que nous soyons parvenus à ce facteur multiplicateur de 5 par des méthodes différentes, ce qui confirme sa validité. Le nombre réel de victoires britanniques dans la Campagne de France est d’environ 200 et ce n’est pas mal du tout, compte tenu des circonstances. Les pilotes de la RAF se sont battus courageusement en obéissant aux ordres reçus (comme les Français). Un exemple typique : le 11 mai 1940, cinq pilotes britanniques du 1 Squadron (équipé de chasseurs Hawker "Hurricane" comme tous les squadrons basés en France) ont rapporté la destruction de 11 Me 110, avec 2 « Hurricane » perdus. Nombre réel de leurs victoires, que personne ne conteste plus : 2. Taux d’exagération : 5,5. Avec la RAF, c’était toujours ainsi car il n’y avait aucun filtrage, aucun contrôle ni aucune homologation des rapports de victoires. Les pilotes pouvaient donc raconter tout ce qu’ils voulaient et ils ne s’en privaient pas. Étant donné que, comme les Français, ils risquaient leur vie à chaque seconde de vol, et compte tenu de leurs très lourdes pertes (avec plus de 20 « Hurricane » perdus plusieurs fois en une seule journée, les autres journées ayant vu aussi des pertes très lourdes), il me semble impossible de le leur reprocher.

Côté allemand, il est de plus en plus connu et évident que de nombreux pilotes exagéraient fortement mais, en 1940, moins que les Britanniques (au total, pas individuellement : certains pilotes de chasse allemands ont dépassé toute mesure, comme Balthasar et Wick).

Spécialement en France, certains, constamment renouvelés avec les années, se complaisent dans une joie mauvaise en dénigrant nos aviateurs et leurs exploits : « Ah ah, ils n’étaient pas si terribles que ça, les héros », etc. C’est une sorte de trait de caractère français : même ceux qui ont abattu plusieurs avions allemands, voire plus de dix (en 5 semaines seulement) et qui l’ont payé de leur vie, tombant au combat souvent dans des conditions terribles (brûlés vifs dans l’essence en feu, broyés dans leurs avions écrasés avant de finir par succomber dans de terribles souffrances), se font insulter et cracher dessus par des minables prétentieux qui émettent des jugements péremptoires du haut de leur immense supériorité, par exemple un imposteur ridicule, un véritable Tartarin qui met dans ses publications jusqu'à onze (11) photos de lui... en tenue camouflée avec chapeau de brousse (!), qui ignore même les caractéristiques les plus élémentaires de plusieurs avions de chasse mais qui se fait passer pour « le plus important historien de l’aviation de 1940 » (!), qui écrit que les pilotes de chasse français (pas courageux) ne poussaient pas leurs attaques (contrairement à ceux de la RAF, toujours admirables pour ce minable) et que les avions français touchés par des tirs allemands (tiens, ils osaient donc voler ?) « faisaient des contorsions de singe ». Jamais un seul Allemand ne s’est permis d’écrire des choses pareilles sur les Français. Au contraire, même en se croyant supérieurs, ils reconnaissaient et respectaient le courage de « ce brave adversaire » (formule fréquente dans les textes allemands). Ce même individu fixe, par des méthodes que nul, sans doute, ne sera jamais capable de comprendre, le nombre de victoires françaises à des nombres qui varient sans cesse en fonction des  éléments nouveaux (pour lui) qu’il découvre et de son humeur du moment. Il est passé de 245 à un nombre abracadabrant, quelque chose comme « 354,672 » ou autre. Quiconque connaît la question ne peut que s’esclaffer devant cette précision de classe nucléaire, qui n’a aucun sens ici puisque même des victoires entières, voire des dizaines de victoires, ne peuvent pas être prouvées avec certitude – ni dans un sens ni dans l’autre.

(Le temps qui passe me force à arrêter ici pour cette fois. Tous vos commentaires sont les bienvenus mais, de grâce, ne traitez pas immédiatement d’imbécile celui qui ose croire autre chose que vous (si c’est le cas)… et qui a quelques bonnes raisons pour cela.)

Veuillez excuser mes fautes de frappe éventuelles. Je me suis efforcé de les corriger.

 

 

 

 

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